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L’aidance, enjeu majeur du monde du travail

La France compte entre 8 et 11 millions de proches aidants non-professionnels, dont 61 % sont en activité . Conséquence directe du vieillissement de la population, ceux que l’on appelle les « salariés aidants » représentent ainsi une part grandissante de la masse salariale. D’ici à 2030, un salarié sur quatre sera proche aidant. L’aidance n’est donc plus uniquement du ressort de la sphère privée mais bel et bien un sujet d’entreprise, incitant les employeurs à (re)penser leurs politiques RH à la lumière de ce phénomène. État des lieux avec Nathalie Chusseau, économiste et professeure à l’Université de Lille.

De l’importance de ne pas contourner cette réalité

Aujourd’hui, seuls 25 % des employés osent informer leur management de leur situation de proche aidant, par manque de confiance ou par peur d’être stigmatisés. Question sensible voire taboue, l’aidance nous concerne pourtant tous : « Chaque individu sera aidant au moins une fois au cours de sa carrière, du fait du vieillissement de la population et des aléas de la vie » rappelle Nathalie Chusseau, « raison pour laquelle les organisations ne peuvent passer outre ce sujet, au risque de se retrouver dans des situations complexes et coûteuses ».

Il y a d’abord les coûts directs, liés à l’absentéisme des salariés aidants, et les coûts indirects, liés au présentéisme. « Un collaborateur qui se retrouve dans une position de proche aidant subit une fatigue physique et mentale qui altère ses capacités et l’empêche d’être pleinement productif, y compris s’il est présent sur son lieu de travail ». L’ensemble de ces coûts cachés représenterait en moyenne 10 % de la masse salariale, et deux tiers d’entre eux pourraient être évités grâce à un meilleur accompagnement des aidants.

Viennent ensuite les dommages collatéraux impactant les équipes au global, que ce soit en termes de charge de travail ou d’organisation, difficilement chiffrables mais réels. Sans oublier les nombreux employés qui, en l’absence d’information suffisante fournie par l’employeur, ignorent qu’ils sont eux-mêmes en situation d’aidance.

 

On qualifie d’ « aidant » un individu qui apporte une aide à un proche – ami, parent, enfant, voisin, etc. – fragilisé ou en perte d’autonomie, de façon régulière et non professionnelle, pour accomplir des actes de la vie quotidienne.

Les salariés aidants, des ressources humaines précieuses

Si ces coûts sont conséquents, il serait inexact de réduire les salariés aidants à une somme de chiffres : « Ces populations sont une richesse pour l’entreprise. Leur expérience leur permet de développer des compétences clés dont toutes les organisations ont besoin ». De l’écoute à la résilience, en passant par l’empathie, la résistance au stress et les capacités organisationnelles et de coordination, 44 % des collaborateurs affirment avoir acquis de nouvelles compétences socio-émotionnelles – les fameuses « soft skills » - de par leur condition d’aidant.

Des compétences jugées utiles et au service de la performance pour 81 % des directions des ressources humaines (DRH), sur lesquelles il est important de capitaliser. « Ces compétences profitent à tous » insiste Nathalie Chusseau, c’est pourquoi les DRH ont intérêt à les exploiter au maximum, notamment via la mise en œuvre de parcours de montée en compétences et de validation des acquis de l’expérience (VAE).

En parallèle, il est indispensable d’aménager le temps et de réduire au moins temporairement la charge de travail des aidants, tout en améliorant leurs conditions de vie en entreprise. « Les organisations peuvent proposer des dispositifs plus ou moins individualisés selon le contexte et les besoins de chacun. L’important étant de s’emparer de la problématique ».

 

Les entreprises en action

Parmi les structures engagées en ce sens, certaines développent des campagnes d’information et de sensibilisation en interne, à l’instar de l’entreprise La Sibra, qui va au-devant de ses salariés aidants afin de mieux appréhender leurs enjeux et attentes. La Banque Palatine, elle, met des guides pratiques à disposition de ses équipes et anime régulièrement des ateliers en lien avec l’aidance. Les collaborateurs de la société peuvent par ailleurs solliciter l’aide d’une assistante sociale.

Pour EDF, aidance se conjugue avec parentalité : la nouvelle « Charte de la parentalité » de la firme prévoit en effet un accompagnement spécifique pour les parents aidants. Un parti pris partagé par le Groupe APICIL, qui mène des actions pour démocratiser le statut des parents aidants au sein de l’organisation et prévenir les pratiques discriminantes à leur encontre. Entre autres choses, APICIL organise également des « cafés » mensuels accessibles à tous les aidants, leur apporte un soutien financier, et octroie jusqu’à 18 jours de congés supplémentaires par an.

Schneider Electric, pour sa part, a instauré un congé spécifique, et fournit un complément de salaire à ses employés proches aidants. Enfin, le Groupe BPCE donne accès à des plateformes conçues spécifiquement pour ces publics, rassemblant différents informations et services. Même son de cloche du côté de SAP, où les forces de travail peuvent recourir à des applications facilitant leur parcours d’aidant, tant d’un point de vue professionnel que personnel.

 

« Quelles qu’elles soient, ces initiatives génèrent un climat de confiance, favorisent la libération de la parole et changent le regard sur l’aidance » conclut Nathalie Chusseau. Un travail de longue haleine, qu’il faut poursuivre pour « tendre vers un effort collectif toujours plus significatif ».

 

 

5 chiffres à retenir :

  • En moyenne, les salariés aidants sont âgés de 42,2 ans et consacrent 9,8 heures par semaine à s’occuper de leur(s) proche(s) ;
  • 44 % des salariés aidants ont peur de perdre leur travail et vont plus facilement se confier à leurs collègues qu’à leur direction ou aux DRH ;
  • 74 % des salariés aidants sont favorables à l’instauration d’un « référent aidant » en entreprise. Ce chiffre atteint 85 % dès lors qu’il s’agit de bénéficier d’aides et de solutions personnalisées.

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