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Quel avenir pour le travail dans l’usine du futur ?

En faisant intervenir le numérique à tous les stades de la production, l’usine du futur représente bien sûr un tournant technologique. Mais comme l’explique Vincent Charlet, délégué général de la Fabrique de l’industrie, en rendant les opérateurs plus autonomes, en aplatissant les hiérarchies et en modifiant la répartition des compétences, elle instaure également de nouvelles relations de travail au sein des entreprises.

Publié le  21/06/2018

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Que désigne-t-on sous le nom d’usine du futur ?

Ce qui caractérise l’usine du futur, c’est l’irruption du numérique à toutes les étapes de la production, avec à la clé la possibilité de disposer de machines interconnectées, et de ce fait capables de communiquer entre elles dans un langage commun. Il en résulte une production toujours plus performante, proche du « zéro défaut », mais également beaucoup plus flexible, permettant à tout moment d’ajuster les flux de façon à apporter une réponse individualisée aux attentes de la clientèle.

Dans l’industrie automobile par exemple, il s’agit de fabriquer le véhicule une fois enregistrées les options choisies par le client, sans que cela ait pour effet d’allonger les délais de livraison. On parle d’ailleurs à ce propos de « personnification de masse » pour désigner cette capacité à apporter une réponse sur mesure, tout en conservant l’efficacité et la performance de la production de masse.

 

Dans quelle mesure l’organisation du travail est-elle transformée par cette irruption du numérique au sein des usines ?

Dans un environnement plus fluide, où l'information circule plus vite et un peu partout, la direction n’a plus l'apanage d’une information essentiellement descendante. Les salariés sont aussi globalement plus compétents et mieux formés car il faut savoir répondre de façon rapide et efficace à une demande diversifiée. Cela conduit, en théorie du moins, à une plus grande autonomie dans le travail et à un aplatissement des hiérarchies.

 

"Ce ne sont pas les outils numériques en eux-mêmes qui impacteront l’organisation et la nature du travail, mais bien davantage le contexte de leur déploiement."


Pour reprendre une formule à la mode, l’usine du futur permettrait donc de « libérer » le travail ?

On aurait tort de voir dans le numérique une force déterministe qui serait par essence émancipatrice. Le progrès technique est ambivalent : il n’est « ni bon, ni mauvais, ni neutre » comme l’a écrit Kranzberg. L’hypothèse optimiste verra dans les technologies numériques la source d’une libération des travailleurs qui, déchargés d’un certain nombre de tâches lourdes, pénibles et répétitives, pourront ainsi consacrer plus de temps à la créativité, la supervision ou l’innovation. L’hypothèse pessimiste fera plutôt le constat que chacun des gestes de ces mêmes travailleurs, toujours connectés, fera l’objet d’une évaluation selon des critères de performance, et conclura à un contrôle toujours plus grand.

Ce ne sont pas les outils numériques en eux-mêmes qui impacteront l’organisation et la nature du travail, mais bien davantage le contexte de leur déploiement. La qualité du dialogue social, la stratégie de l’entreprise, les efforts mis en œuvre pour permettre la montée en compétence des opérateurs, feront toujours la différence. Ce sont ces facteurs qui feront basculer le curseur du côté du contrôle, ou au contraire de la liberté laissée à chacun d’agir en autonomie dans le périmètre de ses fonctions.

 

Cet environnement très numérisé entraîne-t-il le développement de nouvelles compétences ?

Traditionnellement, on distingue les compétences métiers, qui sont des compétences spécifiques à un métier donné, et les compétences transversales, utiles quel que soit l’univers professionnel dans lequel on évolue, et donc transférables d’un métier à l’autre.

Or on constate que l’importance des compétences transversales tend à s’accroître avec la numérisation des usines, et ce pour plusieurs raisons. Tout d’abord parce que la compétence numérique devient une compétence transversale en soi. De plus en plus, travailler sur des machines supposera de savoir les programmer.

Cela impliquera également que cette autre compétence transversale qu’est la maîtrise de l’écrit soit parfaitement acquise. Contrairement à ce que l’on entend parfois, plus le numérique s’impose à tous les étages de l’entreprise, parce que les machines sont numériques, parce qu’il faut savoir les programmer, parce que l’organisation et la synchronisation entre les équipes se font sur des bases écrites, plus il devient indispensable de savoir lire et écrire.

L’autre raison pour laquelle la part des compétences transversales est appelée à s’accroître est que dans une économie en mutation rapide, les salariés seront beaucoup plus souvent amenés à changer de poste, de métier et d’entreprise. Ce d’autant plus que l’aplatissement des hiérarchies que j’évoquais contribuera également à cette fluidification des parcours. À partir du moment où les hiérarchies sont moins marquées, les organigrammes moins cloisonnés, une chance est donnée aux personnes qui souhaitent évoluer vers d’autres fonctions, et ce sont les compétences transversales qui faciliteront ces transitions d’un métier à un autre.

 

Pour aller plus loin :

Thibaut Bidet-Mayer et Louisa Toubal, Travail industriel à l’ère du numérique. Se former aux compétences de demain, Paris, Presses des Mines, 2016.

La fabrique de l'industrie.

 

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